Yousef Elqedra - Traduction de Richard Jacquemond

À quarante-deux ans - Yousef Elqedra

À quarante-deux ans,
on ne nait plus.
Les os sont usés,
le cœur comme un vase desséché par un long été.
Le vent qui passe dans ma tête
y laisse l’écho du chant d’une colombe
qui n’a pas trouvé son nid.

À quarante-deux ans,
je suis devenu léger comme l’ombre d’un garçon mort avant d’avoir retenu son nom.
Je marche sur un trottoir désert,
je compte les fissures comme on compte les épreuves.

Gaza,
Une éraflure dans le crâne.
Chaque fois que je meurs, je renais
et chaque fois que je renais, quelque chose de moi se perd.

Mes fêtes,
des photos de moi où je souris
et personne en arrière-plan.

À quarante-deux ans,
je sais que l’oiseau passé devant ma fenêtre il y a un an
c’était moi,
et que les murs qui se sont envolés dans l’air
cachaient le soleil.
C’est pourquoi je ne sais plus
à quoi ressemblait le lit,
la fenêtre,
le miroir qui me reconnaissait.
Mais je me souviens très bien
que je n’ai pas survécu.
Les survivants ne dorment pas avec les fantômes.
Je subsiste dans l’air,
dans les cendres,
dans la gorge d’une chanson soudain interrompue.