Translation into French by Walid el-Khachab

Poemes Par Iman Mersal




Désigner le point faible

Par : Iman Mersal
Traduit par : Walid El Khachab


Mon camarade de classe, devenu architecte au Service des Antiquités
Fut interloqué pour un instant
Parce que j’avais toujours les mains d’une écolière.

Il me dit, en partant en sens inverse
Qu’il ne s’était pas spécialisé dans les éboulements,
Juste pour moi.



Extrait du recueil Marcher le plus longtemps possible
Charquiate, le Caire, 1997


Amina

Par : Iman Mersal
Traduit par : Walid El Khachab

Tu commandes la bière par téléphone
Avec l’assurance d’une femme qui connaît trois langues
Et qui précipite les mots dans des contextes surprenants.
D’où vient toute cette sérénité?
Comme si tu n’avais jamais quitté la maison paternelle
Pourquoi à ta présence tant de dévastation involontaire
Toute cette pesanteur
Qui libère mes sens de leur obscurité?
Que puis-je faire
Quand la chambre d’hôtel m’offre
Une amie parfaitement impeccable
Sinon lui lancer au visage
Une vulgarité dont je suis digne
Une grossièreté bien choisie?

Émerveille-toi donc!
Je suis juste
Je te cède plus de la moitié de l’air de la chambre
Pour qu’en échange tu me voies
Sans semblable
Toi qui es de vingt ans l’aînée de ma mère
Tu portes des couleurs gaies
Tu ne vieilliras jamais.

Mon amie parfaitement impeccable
Pourquoi ne sors-tu pas à présent?
Peut être entrerai-je dans les caisses grises
En essayant tes affaires absolument élégantes
Pourquoi ne sors-tu plus,
En me laissant tout cet oxygène?
Le vide derrière toi me pousserait peut être
À me mordre les lèvres, repentie
En regardant ta brosse à dents
Apprivoisée…et mouillée.


Extrait du recueil Couloir obscur pour apprendre à danser
Charquiate, Le Caire, 1995.

 



J’ai un nom musical

Par : Iman Mersal
Traduit par : Walid El Khachab


La fenêtre près de laquelle je m’asseyais
Me promettait peut-être une gloire exceptionnelle.
J’avais écris sur mes cahiers
Iman…
Élève à l’école Iman Mersal.

Ni la baguette du grand professeur
Ni les rires qui échappaient des bancs au fond
N’ont pu me le faire oublier.

J’avais pensé donner mon nom à notre rue
À condition qu’on élargisse les maisons
Et qu’on construise des chambres secrètes
Pour permettre à mes amies de fumer dans leurs lits
Sans être vues de leurs frères aînés.

Après la démolition des toits, pour alléger les murs,
Et le transfert des souliers et ustensiles des grands-mères décédées,
Des boîtes vides que les mères ont expulsées
Dans une autre rue – après avoir longtemps servi -,
On pourrait peindre les portes en orange
- Expression symbolique de la joie –
Et poser des poignées percées, pour que chacun
Puisse espionner les familles nombreuses.
Ainsi personne ne serait seul dans notre rue.

“ Les expériences pionnières
Sont l’œuvre des grands esprits. ”
Ainsi pourraient me décrire les passants
Qui se baladeraient sur le trottoir blanc
D’une rue qui porterait mon nom.
Mais à cause d’une vieille haine mutuelle
- Ses pierres avaient laissé des marques sur mon genou –
J’avais estimé qu’elle n’était point digne de ce nom.

Je ne me souviens pas…quand ai-je découvert
Que j’avais un nom musical, avec lequel je pouvais signer
Des vers rythmés,
Et que je pouvais brandir
Face à des amis aux noms connus
Qui ne comprennent pas le sens profond
D’un nom équivoque qu’offre le hasard,
Un nom qui te compromet,
Qui te propose d’être quelqu’un d’autre,
Comme lorsqu’une connaissance nouvelle te demande :
Es-tu chrétien?
Ou bien : as-tu des origines libanaises?

Hélas, quelque chose est arrivé:
Quand une connaissance m’interpelle
Je regarde autour de moi troublée.
Un corps comme le mien
Une poitrine que la respiration serre jour après jour
Peuvent-ils porter un tel nom?

Et puis
Je me vois souvent
Entre la chambre à coucher et la salle de bains
Car je n’ai pas l’estomac d’une baleine
Pour vomir ce que je n’arrive pas à digérer.


Extrait du recueil Couloir obscur pour apprendre à danser
Charquiate, Le Caire, 1995.